Le mystere de la chambre forte - The Mystery of the ThreeBlind Mice

Màu nền
Font chữ
Font size
Chiều cao dòng

https://pdfslide.tips/documents/alfred-hitchcock-1-quatre-mysteres.html?page=15


ALFRED HITCHCOCK : Maintenant vous avez eu le temps de vous mettre en train pour notre chasse aux criminels. C'est pourquoi je serai bref dans la présentation des noirs forfaits qui nous attendent. Dans quelques instants, vous allez, faire connaissance avec un milliardaire qui habite un château hanté, qui collectionne les timbres et dont le passe-temps favori est de se faire détester.

Certains d'entre vous, me dit-on, se plaisent à deviner tout de go le dénouement des histoires énigmatiques, dans les livres, au cinéma, à la télévision. C'est là une habitude que je réprouve. Mais si vous insistez vraiment, alors je vous défie haut et clair de deviner toutes les retorses astuces que vous trouverez dans :

-------------------------------------------------------------------------------------

LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE FORTE

1

JAMAIS Andy Adams n'oublierait cette voix terrible, métallique, appelant au secours. Andy, qui dormait ferme, s'était réveillé, les couvertures entortillées autour de lui et l'angoisse au cœur. « Au secours ! criait la voix. Au secours !... » II semblait à Andy, encore mal réveillé, que c'était la voix d'un géant enfermé dans la même chambre que lui.

« Il m'a tué! hurlait la voix, tandis qu'Andy tâchait de reprendre pleinement conscience. Je soupçonne la v... »

Ici la voix sembla s'enrayer. Puis elle reprit, chaque mot coûtant un effort effroyable : « Je soupçonne la v... »

Le cri s'acheva dans un râle. On entendit encore : « 1-aaa-vvv...», puis plus rien.


En tâtonnant dans l'obscurité, Andy trouva le cordon de la lampe. Il alluma et ne reconnut pas la pièce où il se trouvait. Au-dessus de lui, émergeant du mur, il aperçut le haut-parleur d'où provenait la voix, cependant qu'il se posait à lui-même une question absurbe :

« La v..., la v...? La vermine? Sans doute, il y a des rats et des souris dans ce vieux château, mais comment pourraient-ils avoir tué quelqu'un? »

En même temps, il s'efforçait de se rappeler où il se trouvait et comment il y était venu.

Tout à coup, la mémoire lui revint.« C'était le seul authentique château hanté d'Amérique! » avait dit Paul Adams.

Sqn fils Andy, presque aussi grand que M. Adams, mais maigre comme un échalas, avait jeté autour de lui un regard circulaire, partagé entre la crainte et la curiosité. Ils se trouvaient dans une vaste pièce, au sol de pierre, avec un plafond à poutres apparentes. A un bout de la salle, dans une immense cheminée, un feu de bois flambait à grand bruit.

Le sol était jonché de peaux d'animaux : zèbres, lions, tigres, girafes. Des têtes naturalisées hérissaient les murs : buffles, sangliers, tigres, lions, chamois, léopards, etc.

Jamais Andy n'avait pensé se trouver dans une salle comme celle-ci.

Jusqu'à neuf heures du soir, ce jour-là, qui était la veille de la fête de Merci-Donnant1, la vie avait été parfaitement ordinaire. Sa mère étant à Philadelphie auprès de sa sœur malade, il s'était trouvé seul à la maison avec son père. Ils avaient joué aux échecs. Andy avait gagné une partie, il en avait perdu une autre et il était bien décidé à remporter la belle quand le téléphone avait sonné.

Paul Adams, détective spécialisé dans les faux, les escroqueries et l'authentification de documents anciens, testaments et autres,

1. En anglais Thanksgiving Day, journée d'action de grâces célébrée traditionnellement aux États-Unis le quatrième jeudi de novembre.


était allé répondre au téléphone, puis il était revenu, l'oreille basse.« Il faut qu'on y aille, fiston, avait-il dit. J'ai essayé de refuser mais

il n'y avait pas moyen. Prends quelques affaires : nous en avons peut-être pour plusieurs jours. »

Partir en mission avec son père! Andy était si ému qu'il fourra pêle-mêle son pyjama, sa brosse à dents et son linge de rechange dans un sac de voyage.


Après une heure de route à travers la campagne du Sud de la Nouvelle-Angleterre, on était arrivé à la plus étrange maison qu'Andy eût jamais vue. Ne comportant qu'un seul étage, elle avait la forme d'un U à angles droits; elle était construite en énormes blocs de pierre grossièrement taillés et paraissait avoir des siècles. A chacune des extrémités de l'U se dressait une tour carrée. Le plus surprenant, c'était que des douves pleines d'eau, larges de dix mètres, et que l'on ne pouvait traverser qu'au moyen d'un pont-levis, entouraient le château.

Pour M. Adams et son fils, le pont-levis avait été abaissé, si bien qu'ils purent aller garer leur voiture dans l'espace situé entre les deux ailes du bâtiment. Puis Robin, un petit homme en veste rouge et culotte rouge étroite — de toute évidence, un valet —, les avait fait entrer dans le grand salon.

Et voilà que le père d'Andy annonçait que cette maison était un vrai château, hanté de surcroît!

Le garçon n'eut pas le temps d'examiner toute la salle. Un homme étonnamment gros, la tête complètement chauve, venait de faire son apparition. C'était M. Mayfair, le maître de maison. Il s'avançait vers les visiteurs, installé dans un fauteuil roulant équipé de batteries et d'un moteur électrique.

Le fauteuil s'arrêta. Le maître des lieux, qui avait la face grosse et rouge, toisa les visiteurs d'un regard méprisant de ses petits yeux.

« Alors le fameux détective, c'est vous? fit-il en prononçant non pas à la façon des Américains, mais à celle des Britanniques. Je ne vous trouveras une tête de détective, moi. Et vous vous appelez Paul Adams! Ce n'est pas un nom pour un détective, ça! »

Andy sentit la moutarde lui monter au nez, mais son père demeura calme. Tirant sa pipe, le détective, solide et trapu, considéra froidement le gros bonhomme dans son fauteuil roulant.

« Sherlock Holmes m'irait peut-être mieux, reconnut-il. Et vous, « Crumshaw la Goutte-au-nez » vous conviendrait très bien! »

Un instant, Andy crut que le gros homme allait exploser. Il était devenu rouge comme une betterave, il s'était gonflé comme un dindon furieux. Puis, tout à coup, il éclata de rire.

« Vous ferez l'affaire! s'écria-t-il. Mais pourquoi avez-vous éprouvé le besoin d'amener votre gamin avec vous? »

II jeta sur Andy un regard d'une telle intensité que le garçon se sentit frissonner des pieds à la tête.

« Mon fils, rectifia Paul Adams, en tirant sur sa pipe. Vous m'aviez dit qu'il s'agissait de timbres dans votre affaire. Andy est philatéliste. Je l'ai amené à titre d'expert.

- Vraiment! » fit le gros homme, en articulant ce mot comme une insulte. Pendant un moment, il ne dit plus rien et l'on put entendre le feu qui pétillait et la bise de novembre qui ululait dans les nombreux chênes du parc. Enfin M. Mayfair reprit d'un ton plus civil : « Eh bien, je suis ravi de rencontrer un confrère. Vous spécialisez-vous dans une branche quelconque, mon jeune ami?

- Oui, monsieur, répondit Andy. Dans les commémoratifs américains.

- Moi, je me spécialise dans les raretés et les erreurs les plus chères. J'ai le plaisir de posséder au moins un exemplaire et quel que-fois jusqu'à six de tous les timbres importants dans ce domaine. »

Tout en parlant, il faisait saillir sa lèvre inférieure d'un air arrogant. Andy comprit que l'homme mettait ses connaissances à l'épreuve.

«Je vous demande pardon, répondit le garçon. Je pense que vous oubliez le 1 cent carmin de la Guyane anglaise, datant de 1856.

- Qu'a-t-il de particulier, celui-là? demanda le maître des lieux, en baissant son énorme tête, comme un taureau qui va charger.

- Il est si rare qu'on n'en connaît qu'un seul exemplaire.


Le catalogue Scott l'estime à 50 000 dollars, mais on dit que le propriétaire actuel ne veut pas le vendre. Or je sais que ce n'est pas vous. Donc, monsieur, vous ne possédez pas vraiment tous les timbres importants.

- Vous avez raison ! » tonna le gros homme.

Ses joues s'empourprèrent de nouveau. Il saisit une cravache en peau de rhinocéros et fouetta rageusement la table.

« Non, je ne l'ai pas! rugit-il. Je donnerais n'importe quoi pour l'avoir. Un million de dollars, s'il fallait. Et cet imbécile ne veut pas le vendre. Mais un jour, je l'aurai, ou je ne m'appelle plus Nigel Mayfair!»

II administra encore une demi-douzaine de coups de cravache à la table, puis, haletant, il lança un regard furibond à Paul Adams.


« Je sais ce que vous êtes en train de vous dire, vous, le fin limier, grogna-t-il. Vous êtes en train de vous dire que je ne m'appelle pas Nigel Mayfair pour de bon. Juste. N'empêche que, tôt ou tard, je posséderai ce timbre de Guyane. Et alors, mon cher monsieur, je serai le premier collectionneur du monde. »

Il reprit difficilement haleine et poussa un rugissement :

« Henderson! Où diable êtes-vous fourré? J'ai besoin devous! »

Un homme de haute taille, vêtu d'un costume de tweed, le visage souriant, parut.

« Me voici, fit-il.

- Henderson, grogna Nigel Mayfair, vous voyez ce gars-là? C'est Adams, le détective que vous m'avez conseillé de convoquer. Adams, Herbert Henderson est mon homme de loi — ce que nous appelons un avoué, en Grande-Bretagne. Enfin, il fait partie de mon écurie de juristes. »

Ils se serrèrent la main. Puis le blond homme de loi serra fermement la main d'Andy.

« Ravi de vous voir tous les deux, fit-il. Comptez-vous mettre M. Adams au courant dès maintenant, monsieur? demanda-1-il à M. Mayfair.

— Allez au diable, répondit aimablement le gros homme. Je veux que le détective fasse d'abord connaissance de toute la vermine qui vit sur mon dos. Où est Pardo?

- A votre service, monsieur. »

Un homme trapu et rougeaud, portant un très beau costume, descendit l'escalier de pierre couvert d'un tapis qui menait au premier étage.

« Pardo! rugit Nigel Mayfair. Voici M. Adams, le détective. Il m'aidera à faire mettre en prison l'un des occupants de cette maison. A moins que je ne les écrabouille tous d'ici là.

— Bien, monsieur, dit Pardo, qui avait, lui aussi, l'accent britannique.

- Pardo est mon chien d'attaque, mon garde du corps et mon chauffeur, expliqua M. Mayfair. Cela n'empêche qu'il est peut-être aussi le chacal qui a eu l'audace de me voler... Pardo! où 'sont ma belle-sœur et cet avorton de beau-fils dont j'ai hérité pour mes péchés?

- Mlle Lavinia et M. Reginald seront là dans un instant, monsieur, répondit Pardo, du ton d'un domestique bien stylé, mais en lançant à M. Mayfair un regard brûlant de haine. Ils sont en train de s'habiller afin de se rendre à une réception que M. Howard Lawerdy donne à l'occasion de la fête de Merci-Donnant, qui tombe demain. Ils seraient désireux que je les conduise en voiture. Dois-je le faire, monsieur, ou dois-je leur appeler un taxi?

— Conduisez-les! hurla le gros homme. Que voulez-vous que cela me fasse, quel moyen de locomotion ils prendront pour aller chez ce coquin? Le seul fait qu'ils y courent contre ma volonté... Ah ! les voilà ! »

Il fit pivoter son fauteuil et Andy put voir une jeune femme, d'une grande beauté, vêtue d'une robe de soirée et de fourrures de prix, descendre l'escalier. Un jeune homme en smoking, pâle et maussade, l'accompagnait. La dernière marche descendue, ils s'arrêtèrent. Nigel Mayfair les considérait d'un regard incendiaire.

« Ainsi vous y allez tout de même! fit-il. Alors que je le soupçonne d'être de connivence avec le gredin qui m'a volé! Alors qu'il n'est lui-même qu'un fripon, une crapule, un escroc! »

La jeune femme haussa les épaules.

« Mon cher Nigel, dit-elle, vous vous couvrez de ridicule.

Howard est un homme charmant. Vous l'enviez parce qu'il a tué de plus gros gibiers que vous et qu'il se connaît mieux en timbres. — Ne me poussez pas trop loin, Lavinia, grogna Mayfair. J'ai fait à votre sœur la faveur de l'épouser : cela ne vous donne pas le droit de me parler sur ce ton.

- Ici, répliqua sa belle-sœur, nous sommes en Amérique. Vous n'êtes plus un. tyranneau régnant sur un petit royaume plongé dans la terreur. Je n'avais pas encore l'intention de vous l'annoncer, mais puisque l'occasion s'en présente... Sous peu, j'aurai quitté votre grotesque château fort pour de bon. Je vais épouser Howard Lawerdy.»

M. Mayfair aspira beaucoup d'air. Andy s'attendait à une explosion, mais elle ne vint pas. Dans le silence, ce fut Reggie, le beau-fils, qui parla.

« Et moi, fit-il, je partirai avec ma tante. Ah! j'y pense... Demain j'ai un rallye automobile. Je vous le signale à toutes fins utiles. Bonne nuit, beau-père adoré. Faites de beaux cauchemars.

- Demain, vous serez peut-être en prison », répliqua le gros homme.

Sans se retourner, la tante et le neveu quittèrent la salle, suivis de Pardo, le chauffeur.

« Alors elle épouse Lawerdy! grommela Mayfair, en regardant l'homme de loi. C'est peut-être elle qui m'a volé ces timbres pour lui et il a décidé de la récompenser. Ou alors c'est cet avorton de Reggie, par affection pour sa tante... Ils me haïssent tous les deux. Tout le monde dans cette maison me déteste. Vous m'entendez, Adams? Qui me connaît ne peut rne souffrir. Vous aussi, vous me détesterez. Vous verrez. »

Le gros homme s'apitoyait si ridiculement sur lui-même qu'Andy pensa que son père allait éclater de rire. Mais le détective se retint.

« On peut dire que vous y mettez du vôtre », remarqua-t-il.

Mayfair le toisa sans aménité.« Pas d'impertinences, mon bonhomme! dit-il sèchement. Je vous paie pour faire mon travail. Gardez vos distances !


- Andy, fit M. Adams en se tournant vers son fils, je pense, réflexion faite, que je ne vais pas me charger de l'affaire de M. Mayfair. Prenons la voiture et rentrons.

- Non! rugit le maître des lieux avec une puissance telle que son rugissement emplit la salle. Vous êtes bien susceptibles, vous autres Américains! Venez dans mon bureau et mettons-nous au travail. D'ailleurs, ajouta-t-il en voyant que le détective hésitait, je compte bien que vous allez me facturer, outre vos services, ceux de votre expert. »

Andy jeta à son père un regard si intense que M. Adams se mit à rire malgré lui. Jusqu'ici, le travail de son père avait paru fort mystérieux à Andy mais maintenant, puisqu'il s'agissait de timbres, il allait peut-être pouvoir lui donner un coup de main?...

« D'accord, dit enfin le détective. Montrez-moi le chemin..— Henderson, dit M. Mayfair, je vous appellerai quand j'auraibesoin de vous. »Le gros homme fit pivoter son fauteuil et fonça vers une porte. Le juriste fit un signe de tête encourageant à Andy et à son père, tout en se laissant tomber sur un divan recouvert d'une peau de léopard.

« S'il commence à crier trop fort, je viendrai à la rescousse, chuchota-t-il. Il arrive à M. Mayfair de... de s'énerver un peu. »

II

Andy, qui accompagnait son père, se trouva dans une pièce beaucoup plus petite que la précédente. Mais les murs étaient • également en pierre grossière et tapissés de peaux d'animaux. Des armures entières se dressaient sur des chevalets; aux murs, «ni voyait six têtes naturalisées -- rien que six: un lion, un tigre, un chamois, un léopard noir, un buffle et un ours grizzly. Au zoo, Andy avait vu des spécimens vivants de ces espèces, mais ceux-là avaient dû être des géants. Naturalisés, ils semblaient encore prêts à bondir sur les spectateurs et à les déchiqueter.

« Fermez la porte! » commanda Nigel Mayfair.


Andy obéit.

Le gros homme, du bout de sa cravache en peau de rhinocéros, indiqua deux chaises. Le père et le fils s'assirent. Paul Adams tirait tranquillement sur sa pipe, tandis qu'Andy tremblait de surexcitation, encore qu'il s'efforçât d'imiter son père et de paraître calme.

« Cette cravache, dit Mayfair sans quitter son fauteuil roulant, a été faite dans la peau d'un rhinocéros que j'ai tué moi-même. Les têtes proviennent également de mes chasses. Personne n'en a de plus grosses, cette crapule de Lawerdy peut dire ce qu'il veut. S'il en a, c'est qu'il a triché : des indigènes auront pris le gibier au piège, ou quelque chose dans ce goût-là. »

M. Mayfair était sur le point de se mettre en colère, mais il se calma.

« Je vais commencer par vous parler de moi, déclara-t-il. Je veux que vous me compreniez. C'est important de comprendre à quel genre d'homme on a affaire. Pas votre avis, le détective? - C'est utile », acquiesça M. Adams.

Andy écoutait, l'oreille tendue, les yeux grands ouverts.« Bon, reprit Mayfair. Moi, j'ai été collectionneur toute ma vie.

J'ai commencé dans un taudis, dans les bas quartiers de Londres. Ce n'était pas joli, de mon temps. Pas tellement plus joli maintenant, d'ailleurs. Mais enfin, ça vous forme la jugeote. »

II montra les dents : c'était, pensa Andy, sa façon de sourire.« C'est à cette époque-là qu'on m'a surnommé Crumshaw la

Goutte-au-nez, reprit le gros homme. J'étais enrhumé tout le temps et j'avais le nez qui coulait. Je ramassais des bouteilles vides. Je les nettoyais et je les vendais un demi-cent pièce. Lorsque j'eus réuni assez d'argent, crac! me voilà parti pour l'Afrique du Sud. Je trouve un poste dans une compagnie minière qui travaillait dans les diamants. J'invente un procédé inédit pour faire sortir les diamants de la mine, en contrebande. Je n'avais pas vingt et un ans, j'étais millionnaire. Alors je pris un nouveau nom : Nigel Mayfair. Je trouvais que cela faisait plus aristocratique... »

Les yeux de Nigel Mayfair vrillaient ceux de Paul Adams.


« Oui, monsieur, c'est comme je vous le dis. Lorsque je fus devenu Nigel Mayfair, gentleman et milliardaire, je me mis à collectionner de l'argent. J'en collectionnai beaucoup. Vous savez ce que c'est qu'un collectionneur : il ne tient pas toujours compte des raffinements de la loi. Pas vrai? »

De nouveau, il montra les dents, dans un sourire de requin.

« Lorsque j'eus collectionné assez d'argent, je me mis à collectionner du gros gibier. Les grandes chasses, à l'époque, c'était passionnant. J'épousai une noble dame anglaise, la veuve d'un duc. Nous étions très heureux ensemble, mais il a fallu qu'un tigre la dévore aux Indes, et que je me retrouve encombré de son avorton de fils, Reggie, et de sa sœur, Lavinia Ramier, que vous avez vus. Ils vivent à mes crochets et me méprisent parce que je suis né dans un taudis et eux dans un château. Ensuite, j'attrape une maladie tropicale. Me voilà impotent pour le restant de mes jours. Les toubibs me disent que le climat de la Nouvelle-Angleterre me fera du bien : je m'installe ici. Comme je voulais montrer à Reggie et à Lavinia ce que l'argent peut procurer, je fais un saut au pays et je m'achète un château fort : celui où vous êtes. Il s'appelait Cragie Castle. Il est arrivé au complet, fantôme compris. Du reste, je ne l'ai pas encore vu, ce fantôme! La traversée l'a peut-être incommodé. »

Les yeux de M. Mayfair luisaient de satisfaction et sa voix s'était transformée en une sorte de ronronnement.

« Eh oui! J'ai acheté un château fort. Pas immense, mais authentique. Et vieux. Il s'est dressé à la frontière entre l'Angleterre et l'Ecosse pendant quatre siècles! Il a changé de propriétaires une douzaine de fois ! Le sang a souvent ruisselé sur ces dalles, du temps que les Écossais et les Anglais se faisaient la guerre. »

Il racontait cela si joyeusement qu'Andy jeta un coup d'œil à ses pieds, se demandant vaguement s'ils ne baignaient pas dans une mare de sang. Son père lui fit un clin d'œil qui signifiait : qu'il parle tant qu'il voudra. Souvent, M. Adams avait dit à son fils que, plus un homme parlait, plus on pouvait recueillir d'indications sur son

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen2U.Net